Interview



Interview d'un grand discret 

Old Jerusalem a hissé ses deux premiers albums aux premières places des classements des meilleurs disques de l'année et les suivants dans le top 10. La presse portugaise, généraliste et spécialisée, reconnait unanimement ses qualités. Pourtant le projet demeure presque confidentiel, ne  parvenant pas à franchir les frontières d'un pays devenu trop petit pour lui. Celui que l'on compare à Nick Drake ou Will Oldham répond aux questions de Ovo et revient sur dix ans de carrière. 

Commençons par les présentations. Qui es-tu et qu'est Old Jerusalem? 
Je m'appelle Francisco Silva et je suis le "mentor" de ce projet que j'ai appelé Old Jerusalem. Old Jerusalem est un groupe avec une formation variable et un élément permanent: moi. C'est un projet dédié à la composition et à l'interprétation de chansons. 


Photo: Rita Carmo

Dix ans sont passés depuis ton premier album, April. Pensais-tu que tu continuerais à faire de la musique après tout ce temps? En regardant en arrière, quel est ton sentiment sur ce qui a été fait?
Je ne peux pas dire que je m'y attendais car je ne me souviens pas y avoir pensé sur le moment. L'important était de faire les choses et j'avoue qu'à cette période il m'était égal que le projet puisse exister vingt ans ou qu'il s'arrête après April. Mon sentiment sur ces dix ans de musique oscille entre la satisfaction d'avoir pu la faire et la sensation que rien n'a encore été fait de façon suffisamment définitive pour en tirer une quelconque impression de réalisation personnelle.

J'ai le sentiment qu'il y a toujours une grande attente autour de ta musique et, jusqu'ici, ni le public ni la presse spécialisée ne s'est montrée déçue, chacun de tes albums entrant dans la liste des meilleurs de l'année, sinon le meilleur. Ressens-tu une certaine pression face à cette attente ou continues-tu à composer de la même façon?
Même si il est vrai que Old Jerusalem a toujours bénéficié de très bons retours, que ce soit du public qui suit le groupe ou des médias spécialisés, il n'est pas moins vrai que le projet a toujours existé dans un milieu restreint, dans une niche du marché musical portugais, qui à la base est déjà exigu. On relativise les petits succès de critiques que l'on a obtenu au fil du temps, ce qui nous permet de continuer à travailler sans grande pression, concentrés uniquement sur le moment présent.



Quel mot choisirais-tu pour illustrer chacun de tes cinq albums?
En anglais dans le texte, et en mode "écriture automatique": April: Birth, Twice The Humbling Sun: Summer, The Temple Bell: Milk, Two Birds Blessing: Genesis, Old Jerusalem: Augustine, Le prochain? October. :)

Sauf erreur de notre part, tous tes albums ont été produits par Paulo Miranda dans les studios Amp Studio? Comment décrirais-tu ta relation de travail avec lui?
Depuis le début, Paulo Miranda a montré un grand enthousiasme pour les compositions de Old Jerusalem. La continuité de ce projet est en grande part due à cet intérêt et son goût de travailler nos chansons. C'est essentiellement ça qui est à la base de cette longue relation de travail que nous avons développés. 


Après des sorties sur Bor Land et Rastilho, ton dernier album a été édité par un autre label indépendant, PAD. C'est ton souhait de continuer dans le circuit indépendant et avoir un meilleur contrôle de ta musique ou penses-tu un jour signer en major et, potentiellement, bénéficier des moyens plus importants que celles-ci peuvent offrir? 
J'ai eu des contacts avec des "majors" qu'après la sortie du premier album, April. A l'époque, les propositions qui ont été faites étaient limitées en terme de créativité et donc, de mon point de vue, peu intéressantes. Après ces contacts, il n'y a plus eu de signe d'intérêt de la part de "majors" et, de notre côté, nous n'avons pas non plus chercher à renouer de contacts. Je n'ai aucune objection fondamentale à l'idée de travailler avec des "majors" mais je doute qu'il y ait, considérant la situation actuelle et la nature des compositions de Old Jerusalem, un bénéfice pour chacune des parties. Les labels indépendants ont offerts des conditions de travail plus adaptées à la dimension du projet, à ses particularités esthétiques et à son fonctionnement. 





Bien que Old Jerusalem soit un projet avec des possibilités d'internationalisation, le fait est que, sauf quelques apparitions sur des compilations (Acuarela en Espagne ou A Découvrir Absolument en France) ou l'édition de ton dernier album en Allemagne, le projet n'a pas eu une grande visibilité à l'échelle internationale. Quels moyens pourrais-tu développer pour arriver à des oreilles autres que portugaises? As-tu eu des propositions de concerts dans d'autres pays?
Je considère l'incapacité à susciter un intérêt solide hors du Portugal comme le plus grand échec d'Old Jerusalem. Depuis le début, nous avions comme objectif de faire de Old Jerusalem un projet global, même s'il ne venait à toucher que quelques personnes dans chaque pays. L'idée était de trouver un public dans plusieurs pays qui servirait de base à un petit réseau de concerts et de sorties internationales. Cette idée a échoué à chaque fois, et j'ai peu d'espoir que nous réussissions à atteindre cet objectif. Ceci étant dit, nous continuerons à insister! :)


Ovo: Tu viens de sortir un EP sur lequel tu as revisité cinq de tes chansons. Pourquoi ces chansons et pourquoi les avoir retouchées?
Nous avons ré-enregistrés ces chansons car nous avons eu le sentiment qu'elles avaient gagnés un caractère différent au fil des concerts. L'idée était de les éditer sous cette nouvelle forme. Mais l'objectif plus proche et plus pragmatique était de créer un objet qui servirait de cadeau aux personnes qui ont achetés leur billet pour le concert que nous avons joués au CCB en fin d'année dernière (NDLR: Centre Culturel de Belém, à Lisbonne). 




Depuis 2003, tu as sorti un album tous les deux ans et le dernier date de 2011. Est-ce qu'un nouvel album est prévu pour 2013? Peux-tu nous en parler un peu?
Il existe des idées et des démos pour un prochain disque, mais je ne sais pas s'il sera possible de maintenir cette régularité pour sortir un album en 2013. Le contexte macroéconomique n'aide pas et d'un point de vue personnel, je ne sais pas si j'aurai la possibilité de financer un album cette année, ni même s'il vaudrait la peine de le sortir dans la conjoncture actuelle. S'il ne venait pas à sortir maintenant (2013), il sortira certainement plus tard. 


Tu partages ta vie entre une activité musicale, secteur en crise, et une autre d'économiste, autre secteur en crise. Comment vit-on ces deux vies au Portugal, pays également en crise? N'y-a-t-il pas là une sorte de masochisme à vouloir continuer ainsi? Un joker est valable pour cette question.
Bien, la réponse précédente donne le ton pour celle-ci. Effectivement, nous ne sommes pas au meilleur endroit au meilleur moment. Mais je dis ça en termes relatifs, il y a des choses bien plus graves qui se passent un peu partout dans le monde. Du masochisme en tout cas non, ça n'en est pas car nous maintiendrons l'activité de Old Jerusalem que tant qu'elle nous apportera une satisfaction personnelle indépendamment de l'aspect financier. Quant à mon activité d'économiste, le fait est que la crise l'a rendue extrêmement intéressante en termes intellectuels. 



 Photo: Leonel Morsa

Quel est ton opinion sur la musique portugaise? La façon dont elle est faite, divulguée, écoutée..
Je dois avouer que ces derniers temps je ne vois pas la musique portugaise comme une chose "autonome", dirons-nous. J'accompagne ce qui sort, de façon un peu sporadique, et j'ai l'impression que beaucoup de choses sont en train d'arriver, mais d'une façon plus diffuse qu'il y a quelques années. Le marché de la musique au Portugal est toujours anémique et peu digne d'intérêt, mais esthétiquement il y a toujours choses intéressantes qui sortent. Peut-être est-ce ce dernier point qui est importe réellement. 


Que sais-tu du public français?
Quasiment rien je dois l'avouer, d'autant que je n'ai jamais eu de contact avec. :)


Le dernier mot te revient. Tu peux dire ce que tu veux aux lecteurs de Ovo.
Dans ce cas, j'invite naturellement chacun à écouter les chansons de Old Jerusalem et j'espère sincèrement que vous y trouverez quelque chose qui vous touchera :)


Liens:
newer post older post