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Adriano, révolutionnaire à plus d'un titre

Trente ans que le troubadour sans peur nous a quitté. Trente ans et pourtant trop peu de mots pour l'un des plus grands artistes portugais. Un artiste qui a commencé avec un certain José Afonso, interprété les magnifiques poèmes de Manuel Alegre et reste pourtant trop peu connu: Adriano Correia de Oliveira.


Adriano Correia de Oliveira est né en 1942 et a grandi à Avintes (15km au sud-est de Porto). A 17 ans il entre en Droit à l'université de Coimbra, amenant avec lui sa guitare électrique, reçu de ses parents en cadeau d'entrée en faculté, qu'il abandonnera rapidement. Rapidement, il fréquente le milieu musical local, pratique son fado typique et intègre l'Orfeão Académique. Le Fado de Coimbra est alors en plein renouveau, renouveau initié par Artur Paredes (père d'un certain Carlos Paredes) et António Menano et dans lequel interviendront Luis Goes ou José Afonso. Entre 1959 et 1962 seront édités quatre EP. L'empreinte musicale de Coimbra marquera toute sa carrière musicale, qu'elle soit de chanteur de fado ou de musique d'intervention (nom donné au courant musical qui chantait sa contestation au régime dictatorial alors en place). En 1962, son engagement politique devient de plus en plus fort, il participe à des manifestations anti-salazariste et, l'année suivante, publie l'hymne de la révolte estudiantine: Trova do Vento que Passa.


En 1964, il séjourne à Paris et y rencontre un autre grand nom (malheureusement encore plus méconnu) de la musique d'intervention, Luiz Cilia. Deux ans plus tard il épouse Matilde Leite, avec laquelle il aura deux fils. La période 1967-1971 sera sa plus fertile en terme d'éditions avec pas moins de quatre disques (et ce alors qu'il aura à exécuter son service militaire entre 1968 et 1970). Se succéderont l'album éponyme Adriano Correia de Oliveira en 1967, O Canto e as Armas sur des poèmes de Manuel Alegre (1969), Cantaremos avec LA chanson sur l'émigration Cantar de Emigração (1970) et surtout Gente de Aqui e de Agora (1971), entièrement produit par José Niza. Ce dernier sera l'un des quatre piliers de la révolution musicale qui s'opérera au Portugal, pourtant toujours sous la dictature, au côté de Cantigas do Maio de José Afonso, Mudam-se os Tempos Mudam-se as Vontades de José Mário Branco et Os Sobreviventes de Sérgio Godinho, tous sortis à l'automne 1971. 



Cette fois définitivement en ligne de mire de la PIDE (police politique de l'état), Adriano Correia de Oliveira se verra interdire un grand nombre de ses apparitions sur scène et éditions discographiques, recevant ainsi le même traitement que les auteurs cités ci-dessus, auxquels on peut ajouter Fausto ou Manuel Freire parmi tant d'autres. Malgré ces interdictions, une partie d'entre eux se retrouveront sur la scène du Coliseu dos Recreios de Lisbonne le 29 mars 1974, moins d'un mois avant la libération. Sur la photo ci-dessous et de gauche à droite apparaissent Barata Moura, Vitorino, José Jorge Letria, Manuel Freire, Fausto, José Afonso et Adriano Correia de Oliveira. Ce soir-là, les paroles d'une chanson faisant rimer "morena" et "ordena", alors interdite, se faisaient déjà entendre dans l'assistance...



Cette interdiction ne l'empêchera pas de sortir quelques singles et surtout de préparer son futur album, Que Nunca Mais, qui ne sortira toutefois qu'après le 25 avril 1974. Ce disque, sur des poèmes de Manuel da Fonseca, lui offrira sa seule et unique récompense internationale, étant élu artiste de l'année par la revue britannique Music Week. En 1980 sera publié son dernier disque, Cantigas Portuguesas (avec Fausto aux manettes), véritable chant du cygne où Adriano Correia de Oliveira rappelle le rôle que sa "famille musicale" aura eu dans la libération du peuple portugais, peuple qui s'est déjà tourné vers les Rui Veloso, Trovante, UHF ou Xutos & Pontapés, en plein boom du rock portugais.

Le 16 octobre 1982, alors âgé de 40 ans, Adriano Correira de Oliveira s'éteint dans sa maison familiale de Avintes. Né pour la musique grâce à la musique de Coimbra, Adriano aura contribué dans les années 60 à son développement, apporté son engagement politique à la musique d'intervention et ouvert de nouveaux horizons à la musique portugaise du début des années 70. Adriano Correira de Oliveira est un de ceux qui a changé le visage de la vie et de la culture portugaise, traçant de nouveaux itinéraires dans lesquels de nouvelles générations ont suivies leur chemin.


Tombé dans un semi-oubli, il est de plus en plus difficile aujourd'hui de trouver des traces de son oeuvre. Movieplay a ainsi réédité une partie de sa discographie en 2007, célébrant ainsi les 25 ans de la mort de l'artiste. Parmi ces rééditions se trouve un coffret réunissant ses sept albums studios. Une compilation de ses meilleurs titres et un album d'hommage sont également sortis à cette occasion. Sur ce dernier, une nouvelle génération d'artistes comme Valete, Celine da Piedade ou Margarinda Pinto réinterprète des chansons de son répertoire. Plus récemment ont été publiés deux livres, le premier O Adriano Correia de Oliveira Que Eu Conheci de Pinto Soares en 2011 et Adriano Correia de Oliveira 1942-1982 Um trovador da liberdade de Mário Correia l'année suivante. Pour les musiciens, un Songbook a également, et finalement, été édité par Manuel Soares aux éditions Prime Books. 

Il est du devoir de chacun de découvrir ou de faire découvrir l'oeuvre de ce grand artiste, très certainement l'un des plus grands que le Portugal ait connu, et que celui-ci ne disparaisse pas de la mémoire collective, grand mal de nos société actuelles...



Aquela clara madrugada que 
Viu lágrimas correrem no teu rosto 
E alegre se fez triste 
Como chuva que viesse em pleno Agosto 

Ela só viu meus dedos nos teus dedos 
Meu nome no teu nome e demorados 
Viu nossos olhos juntos nos segredos 
Que em silêncio dissemos separados 

A clara madrugada em que parti 
Só ela viu teu rosto olhando a estrada 
Por onde o automóvel se afastava 
E viu que a pátria estava toda em ti 

E ouviu dizer adeus essa palavra 
Que fez tão triste a clara madrugada 
Que fez tão triste a clara madrugada
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