Printemps des Arts (Nantes): Voyage en Méditerranée
Le 30e printemps des arts propose en clôture de festival un concert de l’ensemble baroque l’Arpeggiata. Christine Pluhar invite les plus belles voix de Méditerranée.
Entretien avec la chanteuse de fado Misia.
Comment peut-on décrire ce voyage musical en Méditerranée, sur « la frontière de l’olivier »?
On parle des « pays de l’olivier » pour englober le Portugal et la Jordanie dans cet espace méditerranéen, bien qu’ils ne possèdent pas de côte méditerranéenne. Le point de départ du concert, ce sont les canti greci-salentini: des tarentelles chantées en grec par la population du Salento, au sud de l’Apulie, mais aussi en Sicile dans les villages gréco-albanais à l’époque baroque… Le voyage nous mène en Grèce et en Turquie, et vers l’ouest à majorque, la Catalogne et le Portugal.
cela vous fait-il sortir de la tradition du fado?
Ma mère et ma grand-mère sont des catalanes de Barcelone, et ma culture métisse fait que ne chanter que du fado serait m’amputer d’une bonne partie de mon héritage. La rencontre avec l’orchestre baroque de l’Arpeggiata a été magique. J’avais apporté la viola et la guitare portugaise, l’Arpeggiata avait ses cordes baroques, qui se mêlaient à la lyra grecque... Nous étions mutuellement extrêmement curieux de nos instruments, nous étions tous dans état de séduction et d’enchantement réciproque, nous n’arrêtions pas de nous filmer en répétitions...
Le fado émane-t-il d’une tradition aussi monolithique qu’il semble?
Nullement! Après avoir été la musique du lumpenproletariat, une musique de tavernes et de bars à prostituées, le fado a dérivé comme le tango. Les classes aristocratiques se le sont approprié, jusqu’à inventer un fado de chambre avec piano. La dictature a façonné son propre frado, qui parlait d’une pauvreté heureuse, si bien qu’il n’était pas bien vu de chanter cette musique, après la révolution des œillets. Mais le fado est d’abord anarchiste, et tout dépend du texte. J’ai chanté des poètes contemporains, comme Lobo Antunes ou Saramago, et mon deernier album (Senhora da Noite) est entièrement écrit par des femmes.
Le spectacle Mediterraneo est une tout autre aventure?
je me suis sentie élue par Christina Pluhar quand elle m’a invitée à rejoindre des voix comme celles de Vincenzo Capezzuto, Raquel Andueza ou Aikaterini Papadopoulou... Cela donne envie d’être merveilleux!
Georges Moustaki était un ami du Portugal, l’avez-vous connu?
Pas directement mais j’ai reçu un joli SMS de Juliette Greco... Au-delà de la chanson, Moustaki savait dispenser une grande douceur. Il fut un ami de la révolution des œillets, il a d’ailleurs adapté en français le Fado Tropical de Chico Buarque sous le titre Portugal. Oui, c’est un homme qui savait se faire aimer.
Recueilli par
Daniel MORVAN.
24 juin à 20h30. Cité des congrès. 15€ / 39€, réservations: Tél. 02 40 20 69 70.
www.arpeggiata.com