Avec ce cinquième album, la voix la plus fondante de la saudade portugaise affirme à nouveau sa patte si singulière : celle d'un fado sans emphase, pétri de douceur et d'élégance, qui sonne bien davantage comme de la bossa-nova. Son
Fado desconcertado (« Fado désaccordé ») d'ouverture donne le ton : moins fleuri que sur le disque
Guia, résonnant d'une allégresse plus perceptible. Ailleurs, les clarinettes s'autorisent des interventions plus marquées au milieu des trois guitares (basse, classique, portugaise). Les ponctuations narquoises de la clarinette basse donnent un piquant irrésistible à
Algo estranho acontece (« Il se passe quelque chose de bizarre »), l'une de deux chansons de Pedro da Silva Martins, du groupe Deolinda, qui narre en mode aigre-doux le quotidien du Portugal des années 1960.
On apprécie tout autant la rugosité funky du cavaquinho (dans l'alerte
Flagrante,très brésilien), la plainte rock déchirée de la guitare électrique
(Lambreta), ou encore la rudesse solennelle d'un choeur de cante alentejano
(O que é feito dela ?). Mention spéciale à l'entêtant
Fortuna, signé Márcio Faraco. — Anne Berthod
| 1 CD World Village/Harmonia Mundi.