Avant de commencer à parler du disque lui-même, il est important de le replacer dans son contexte : nous sommes en l’an de grâce 1978. Le Portugal fête quatre ans de démocratie depuis la révolution des œillets, le pays vit désormais sous la IIIème république et est gouverné depuis deux ans par Antonio Ramalho Eanes, président qu’il connaîtra durant dix ans. Musicalement, les Beatles sont séparés depuis huit ans, Pink Floyd s’apprête à sortir son chef d’œuvre The Wall et pendant ce temps-là au Portugal les artistes profitent de la liberté d’expression enfin retrouvée et multiplient les sorties de disques, concerts et apparitions télés.
A cette époque, José Cid est déjà un artiste installé dans le paysage musical portugais. Il s'est fait connaître au sein du groupe Quarteto 1111 (qui participa en 1971 au premier festival Vilar de Mouros) puis Green Windows (version bis de Quarteto 1111, en plus léger et commercial), il compose et écrit pour d’autres artistes et participe à plusieurs festivals de chansons RTP. Ce 10.000 anos depois entre Vénus e Marte sera son quatrième solo et un véritable OVNI dans sa carrière discographique (tout du moins en solo) qui se constituera par la suite de titres très commerciaux et d’énormes succès comme « A cabana junta à praia » ou « Como o macaco gosta de banana ».
L’histoire du disque est simple : la Terre a été détruite par l’Homme mais un couple parvient à s’échapper et part en quête d’une nouvelle planète, qu’il ne trouvera que 10.000 ans plus tard, quelque part entre Venus et Mars.. Pour mettre cette histoire en musique, José Cid s'inspire de Pink Floyd ou King Crimson, s’entoure de Zé Nabo, Mike Sergeant et Ramon Galarza et s'équipe d’une multitude d’instruments nouveaux et rares en terres lusitaines : le Moog (il en existait trois au Portugal, deux détenus par José Cid) ou le Mellotron. Naîtront sept titres de rock progressif constitué de longues nappes de claviers, de solo de guitares et d’une bonne dose de science-fiction.
Malheureusement pour José Cid, l’album ne connaîtra qu’un succès d’estime. La période du rock progressif touche à sa fin et un nouveau style musical commence à faire parler de lui : le punk-rock. Le label Orfeu montrera de sérieuses réticences à sortir ce disque poussant même José Cid a abdiquer de tous ses droits d’auteur afin de ne pas voir tout son travail jeté aux oubliettes. Seront finalement pressées 3000 copies de 10.000 anos depois entre Vénus e Marte.
Presque quarante ans après, le disque est considéré comme l’un des monuments du rock progressif et un album mythique pour tous les amateurs de cette musique. Classé parmi les 100 meilleurs albums de prog-rock par le célèbre magazine américaine Billboard, le vinyle (Orfeu FPAT6001) est trouvable en occasion en échange de plusieurs centaines d’euros, voire mêmes plusieurs milliers pour les versions en meilleur état (record de $11.000 pour un album sous cellophane). Ces chiffres ne parviennent pourtant pas à convaincre les éditeurs de ressortir ce disque en grande quantité. On ne trouve en effet que quatre rééditions en CD à ce jour : la plus connue chez la portugaise Movieplay (MOV 30.399) que l’on retrouve assez facilement y compris en France, la seconde chez la japonaise Marquee (MAR-04955) puis deux versions respectant les dimensions de la pochette d'origine: chez l’américaine Art Sublime et limitée à 500 exemplaires (ASCD 1194-005) et chez la sud-coréenne M2U Records limitée à 1500 pièces (M2U-2004). A noter que ces deux dernières rééditions contiennent un CD bonus avec l’EP Vida Sons do Quotidiano.