CRITIQUE
Les forces vives de Dead Combo
(Mis à jour: )
Mix. Le duo portugais, qui sort un nouvel album, joue ce soir à Bobigny au festival Banlieues bleues.
Dead Combo signe avec "Lisboa mulata" son quatrième album. - Photo Rita Carmo
La pochette de son dernier disque, Lisboa mulata, montre le duo de dos, contemplant la capitale portugaise depuis un îlot, à l’embouchure du Tage. «On ne peut y mettre pied qu’à l’aube, en raison de la marée», expliquent Pedro Gonçalves et Tó Trips. Ce dernier fait les présentations : «Disons que je suis le guitariste, et Pedro le musicien. Parce qu’il joue non seulement de la basse mais aussi toutes sortes de guitares, du piano, du melodica…»
Univers. C’est un concert de l’Américain Howe Gelb (le leader de Giant Sand) à Lisbonne, en 2001, qui a fait se croiser leurs routes :«Nous cherchions tous deux une voiture pour rentrer, se souvient Pedro Gonçalves. En vain, nous avons donc fait le trajet à pied et nous avons sympathisé.» L’un bassiste dans le milieu jazz, l’autre guitariste punk-hardcore, ils ont en commun d’être las de leur univers respectif.
L’année suivante, les deux hommes participent à un disque hommage à Carlos Paredes (1925-2004), virtuose de la guitare portugaise et «grand innovateur, selon Tó Trips : Il a fait de la guitare de fado un instrument non plus d’accompagnement de la voix, mais à part entière.»
Avec Paredes, l’autre mentor du groupe est l’Américain Marc Ribot. «Nous avons une dévotion particulière pour son disque, où il rend hommage à Frantz Casseus, le musicien haïtien qui fut son prof de guitare.» Invité de Lisboa mulata, Ribot étire ses arpèges fantomatiques sur la moitié des titres. Ouvert sur la dimension africaine de la capitale portugaise, le duo a ainsi intégré la morna cap-verdienne à son petit cabaret ambulant, aux côtés du fado, du blues ou des ambiances western. Sur scène, éclairages expressionnistes, éléments de décor et costumes créent un climat lynchien : le guitariste est en croque-mort à chapeau, son compère bassiste en costume de gangster élégant.
Au Portugal, sans jamais passer à la radio («le format instrumental ne s’y prête guère»), Dead Combo s’est acquis, en dix ans de carrière et quatre albums (plus un live), un public fidèle. Au point que le ministère du Tourisme leur a commandé cette année la musique d’un spot de promotion du pays. «Nous autoproduisons nos disques, dit Pedro Gonçalves. Les Fnac en écoulent 2 000 par an, ce qui, dans un marché aussi restreint, n’est pas si mal. Mais nous vendons surtout lors des concerts.» Le duo remplit en effet les salles, malgré la crise économique «qui a dévasté le pays comme un bulldozer», ajoute Pedro.
A ses débuts, le duo s’entendait dire : «C’est joli, mais où est le batteur ?» Ce n’est qu’une fois installé que Dead Combo a étoffé sa formule, avec de temps en temps une batterie - «quand nous jouons en plein air, devant des milliers de personnes» -, ou bien des cuivres. Mais c’est dans sa formation d’origine qu’il se produit le plus souvent.
Opium. Dans les jours qui suivaient l’interview, Dead Combo s’envolait pour Macao, l’ancienne colonie redevenue chinoise, «où de plus en plus de jeunes diplômés portugais s’exilent», rappelle Tó Trips. On rêve à la pénombre des fumeries d’opium tendues de soie rouge comme décor idéal pour la musique du groupe… Eclat de rire des musiciens, qui connaissent la ville : «Allons, tout cela a disparu… Macao est une succursale de Las Vegas, hérissée de gratte-ciel et de casinos high-tech.»
DEAD COMBO CD : LISBOA MULATA (Pias). Ce soir à 20 h 30, salle Pablo-Neruda, à Bobigny (93), dans le cadre du festival Banlieues bleues. Au même programme : A Celebration of Moondog, avec Sylvain Rifflet et Jon Irabagon. Et le 8 mai à Jazz sous les Pommiers à Coutances (50).