Ils en Parlent




Antonio Zambujo - Les connections latines


31 janvier 2013 Par Festival Au Fil des Voix



Avec Antonio Zambujo c'est tout un pan de la musique portugaise qui se modernise. Auteur d'un délicieux Quinto, le crooner  sera de passage à Paris, vendredi 8 février, sur la scène de l'Alhambra pour le festival Au fil des voix. Ce dernier dévoilera un fado ouvert au jazz, à la bossa nova. L'occasion ici de tracer un axe transatlantique entre le chantre de l'Alentejo et le maitre brésilien Joao Gilberto.

Quinto, comme le cinquième dans la langue de Magellan. C'est le titre du dernier disque de Antonio Zambujo. Et la cinquième étape d'une réhabilitation pour le moins audacieuse du répertoire portugais. De Por meu canta, disque fondateur où l'on trouve déjà ce cocktail séduisant à base de folklore portugais, de rythmes latins et de jazz en passant par Outro Sentido, le disque de la reconnaissance internationale, Antonio Zambujo incarne les racines de son pays, qu'il fait croitre au fil des rencontres. A l'image d'une scène lisboète urbaine et métisse, le jeune  chanteur bouscule les conventions, en douceur mais avec cohérence.  Son lien avec le fado reste évident. Son jeu d'acteur, au sein de la comédie musicale Amalia, en hommage à la grande fadista Amalia Rodrigues, où il incarnait le mari de la diva, confirme la chose. La saudade, cette mélancolie joyeuse propre aux lusophones et toujours présente. Le titre d'ouverture met au parfum. Ca fleure les balades le long du Tage, à ne rien attendre sinon contempler le temps qui passe.Algo estranno acontece prend des allures de tango avec son saxophone à la sonorité ouatée. Fortuna conforte le caractère latin de l'entreprise. Et Nao vale mais um dia improvise sur le mode jazz grâce à une guitare splendide. Mais ce sont les titres aux effluves brésiliennes qui subliment cet enregistrement.Flagrante est, à ce titre, une plage emblématique avec sa mélodie située aux confins de la samba .  Un morceau qui reflète les passerelles  que lance le dandy portugais vers le rivage sud-américain.






Naturellement  liée à l'univers de Antonio Zambujo, la bossa nova fomente sa révolution de salon, à Rio de Janeiro, dès la fin des années cinquante avec Chega de saudade, un disque signé Joao Gilberto. A l'instar de la Nouvelle Vague, cinématographique ou littéraire, ce mouvement va moderniser la musique brésilienne, jusque là marquée par la samba et les folklores locaux. Ce premier enregistrement est donc historique. La liberté de ton du courant afro américain est contrebalancée par une indolence inédite. Une (insoutenable) légèreté qui frappe les esprits avec Brigas nuncas mais. Les instruments classiques comme la flûte traversière ou le xylophone rythment Ho-bà-là-là et ses arrangements lounge avant l'heure. Maria Ninguém fait déjà office de standard avec sa mélodie à couper le souffle. Mais le choc provient surtout du premier tube bossa,Desafinado, un manifeste esthétique évident. Le titre préfigure le travail de Joao Gilberto, quelques années plus tard, avec sa femme Astrud, Carlos Jobim et le saxophoniste Stan Getz. Cette réunion aboutira au thème ultime : Girl from Ipanema. La bossa comme le jazz sont  indissociables de nombreux courants dont la pop britannique du début des années 80. La production d'Antonio Zambujo l'assimile avec finesse. Les mélodies West Coast sophistiquées et la poésie composent  les fondements d'un fado aujourd'hui régénéré.




Antonio Zambujo Cinquo  (World Village / Harmonia Mundi)  -  Joao Gilberto Chega de saudade  (Cherry Red)
Vincent Caffiaux
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